Célébrons la démocratie et renerlons-la


Les yeux des plus grands groupes de politique étrangère du monde sont tournés vers Washington, DC, où le président Joe Biden rencontre d’autres dirigeants démocrates lors du « Sommet pour la démocratie ». Il s’agit d’une réalisation clé de sa promesse de campagne de 2020 et, dans la foulée de son sommet avec Vladimir Poutine, d’une occasion de présenter le leadership américain à un moment où les enjeux ont rarement été plus élevés.

110 pays ont été invités. Le choix des participants était toujours voué à être controversé. Beaucoup de gens se demandent: le Pakistan mérite-t-il vraiment une place à la table alors que la Turquie ne le mérite pas? Les États-Unis, après les émeutes du Capitole le 6 janvier, sont-ils bien placés pour prêcher la démocratie aux autres ? Où se situe, par exemple, l’Arabie saoudite dans la division mondiale entre les nations démocratiques et non démocratiques pro-occidentales du monde ? Les réponses à ces grandes questions géopolitiques sont loin d’être simples et directes.

Ne vous attendez pas à des décisions concrètes ou à des livrables. Le rassemblement a une signification largement symbolique. La réalité terne de la pandémie en fera un événement principalement numérique, privant les politiciens de séances de photos; la société civile ne pourra pas beaucoup interagir. Le symbolisme est important, cependant, parce qu’après quatre ans d’« Amérique d’abord » sous Donald Trump, les États-Unis envoient un signal clair à leurs alliés et amis : nous sommes de retour et nous nous soucions de la famille démocratique des nations. C’est un message puissant aux autocrates du monde entier, en particulier à la Chine et à la Russie, qu’aucun déclin américain n’est à l’horizon et que l’Occident a un dirigeant conscient et dévoué.

La recherche montre que les régimes autocratiques n’attendent pas sans rien faire pour que les États-Unis se « réveillent » : ils s’efforcent plutôt de saper l’ordre démocratique des sociétés en répandant la désinformation et la confusion. L’indice de vulnérabilité 2021 de GLOBSEC montre à quel point l’Europe de l’Est est devenue un champ de bataille clé pour la propagande antidémocratique et antisystémique.

L’Europe de l’Est figure dans plusieurs autres aspects importants du prochain sommet. Premier: un vent nouveau semble souffler dans les couloirs du pouvoir. En octobre 2021, les Tchèques ont rejeté le gouvernement d’Andrej Babis et le prochain gouvernement devrait cesser de flirter avec la Chine. En Hongrie, les élections de l’année prochaine pourraient entraîner un revirement politique similaire. C’est comme si la victoire de Zuzana Caputova en Slovaquie en 2019 avait lancé une tendance dans laquelle la marée du populisme commençait à s’estomper. Deuxième: La Hongrie est le seul pays de l’UE qui n’a pas été invité. C’est un signe des inquiétudes de l’administration américaine quant au développement politique du gouvernement Orban. Comme pour prouver que les Américains ont raison, le gouvernement hongrois a rapidement publié une déclaration selon laquelle il opposerait son veto à toute déclaration de l’UE après le sommet. Troisième: l’initiative américaine coïncide avec un changement de politique de l’Union européenne en matière d’État de droit parmi ses 27 membres. Cette fois, l’UE semble avoir décidé de retenir des fonds dans des pays où le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant ou où il existe un risque de mauvaise allocation des ressources par des individus ou des groupes corrompus. Quatrième: la célébration de la démocratie sera suivie d’un exercice beaucoup plus difficile et banal sur le terrain, celui de réinventer les structures démocratiques occidentales. Ici, les leçons de l’Europe de l’Est méritent d’être regardées de près.

Les célébrations de la démocratie ne doivent pas être le moment de se reposer sur nos lauriers. La démocratie qui permet la discrimination de pans larges de la société, comme les femmes ou les minorités ethniques, n’est pas digne de ce nom. Afin de gagner le récit de la démocratie, l’Occident doit se réinventer en mettant à jour les politiques et les instruments publics aux réalités du 21ème siècle. Sinon, les autocrates du monde entier pourront affirmer : « Nous ne permettrons peut-être pas des élections libres, mais nous assurons la croissance, la prospérité ou la modernisation ». Le rajeunissement de la démocratie ne peut pas se produire lors des sommets. Au lieu de cela, il est forgé grâce à un effort concerté de politiciens, de la société civile, d’experts, d’entrepreneurs.

L’initiative de Biden doit être applaudie. La famille démocratique doit se ressaisir. L’avenir de la démocratie se décide partout dans le monde, mais l’un des principaux champs de bataille est l’Europe de l’Est. Au milieu de tout cela, il y a la Slovaquie, un pays qui a parcouru une longue distance – du « trou noir » de l’Europe (comme l’a dit Madeleine Albright) sous le gouvernement Meciar au pionnier du renouveau démocratique. Son exemple pourrait être un plan directeur pour d’autres pays de la région.

Si le président Biden se soucie de maintenir son initiative en vie, il ne devrait pas permettre que ce sommet des démocraties soit unique. Il est censé y avoir un sommet mondial de suivi, cette fois en personne. Mais peut-être devrions-nous aller plus loin. Que diriez-vous d’une série de sommets régionaux, abordant les défis du populisme au niveau régional? Et que diriez-vous de la prochaine qui aura lieu en Slovaquie, pour reconnaître et soutenir le renouveau démocratique en Europe de l’Est ? Cela aiderait vraiment à la défense d’un champ de bataille démocratique clé.

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